Il y a des jeux qui séduisent d’abord par leurs promesses visuelles, qui captent notre imagination avant même qu’on ait eu le temps de poser les mains sur la manette. Echoes of the End fait partie de ceux-là. Dès ses premières présentations, le titre du jeune studio islandais Myrkur Games avait l’air d’un petit miracle : un univers façonné sous Unreal Engine 5, des paysages inspirés directement de l’Islande, et une héroïne mystérieuse, Ryn, prête à porter sur ses épaules une aventure de fantasy sombre et intimiste. On rêvait d’un God of War en plus personnel, en plus nordique, en plus poétique peut-être. Et après une dizaine de chapitres, qu’en reste-t-il ? Une expérience visuellement marquante, certes, mais aussi un parfum d’inachevé.
Cette critique a été réalisée à partir d’une version Playstation 5 offerte par l’éditeur !

Un scénario qui joue la carte de l’intime… mais manque d’audace !
Dans cette quête, nous suivons Ryn, qui est ce que le jeu nous décrit come une « vestigiale ». A savoir qu’elle est une guerrière dotée de pouvoirs magiques, ce qui lui permet d’avoir certaines interactions avec son environnement (ce sera la base des puzzles et énigmes du jeu) mais aussi de se battre plus férocement qu’un guerrier « lambda ».
Son voyage est sans doute ce qui accroche le plus dès les premières minutes. Au début, le jeu ne cherche pas à nous perdre dans des intrigues trop complexes ou un lore encyclopédique ; il se concentre sur une quête simple, presque archaïque : sauver son frère Cor, qui se fera kidnapper à l’issue de cette phase « tutoriel ». Ce n’est qu’après avoir rejoins un compagnon de fortune, Abram, que les intrigues politiques vont commencer à poindre, notamment en comprenant qu ela région du jeu se fait envahir par le pays voisin, épaulé également par une féroce vestigiale.


La réussite narrative du jeu réside essentiellement dans la relation entre Ryn et Abram, le compagnon érudit qui l’accompagne durant l’aventure. Leur dynamique, faite de piques d’humour et de confidences plus sombres, humanise énormément le récit. On sourit à leurs échanges, on s’attache à leurs failles respectives, et on finit par voir dans ce duo une véritable force d’équilibre. Dans un univers de fantasy souvent saturé de héros monolithiques, ce duo surprend apporte un peu de chaleur, même si je dois bien avouer que, souvent, le côté trop « brut » de Ryn, peu encline à lâcher un sourire, gâche parfois la dynamique.
Pour autant, Echoes of the End n’échappe pas à un certain académisme narratif. Les antagonistes, bien qu’efficaces dans leur rôle, manquent de nuance. Les rebondissements, bien qu’honnêtes, tombent rarement des nues. On devine la plupart des ficelles, et certains chapitres paraissent suivre le cahier des charges du grand récit épique sans jamais le subvertir. On ressent comme une frustration devant cette richesse esquissée mais jamais vraiment exploitée.

Des mécaniques de jeu en demi-teinte !
Si le scénario et la direction artistique séduisent rapidement, c’est évidemment sur le terrain du gameplay que l’on attendait Myrkur Games. Et là, l’expérience se révèle contrastée.
D’abord, il faut accepter que Echoes of the End est un jeu linéaire, et même très linéaire. Oubliez l’idée d’une exploration libre ou d’un monde semi-ouvert : ici, les murs invisibles sont partout, et les zones ne sont que des couloirs correctement habillés avec des panoramas magnifiques. Ce choix assumé de la linéarité n’est pas en soi un défaut. Après tout, les Uncharted ou encore les God of War (avec qui la presse tient tellement à apparenter le jeu) ont prouvé qu’un chemin balisé pouvait aussi offrir une intensité narrative et ludique remarquable. Mais ici, l’effet est plus limité. Les rares détours mènent à quelques coffres ou bonus, rien qui ne donne l’impression de respirer en dehors du tracé imposé. On finit par avoir l’impression d’admirer un musée guidé, plutôt qu’un monde réellement habité.
Heureusement, les puzzles viennent apporter un véritable souffle. C’est sans doute la grande réussite ludique du jeu. Les énigmes, variées et bien rythmées, rappellent parfois les meilleurs moments de Zelda : manipuler des mécanismes, geler le temps, jouer avec des illusions, combiner les compétences de Ryn et Abram pour débloquer un passage. Chaque puzzle semble pensé pour solliciter l’intelligence sans jamais frustrer, et la montée en complexité se fait de manière fluide. On regrette presque que le jeu n’ait pas « plus » osé miser sur cet aspect, tant je trouve qu’il surpasse le reste des mécaniques.


Côté combats, le constat est plus mitigé, même s’il y a évidemment de bonnes idées. La base est séduisante : un mélange d’épée et de magie, avec des parades, des esquives et des attaques combinées avec le compagnon. Sur le papier, tout est là pour offrir des affrontements dynamiques et spectaculaires. Et il est vrai que certains duels procurent une vraie satisfaction visuelle. Au fil de la progression, de nouvelles compétences viennent enrichir le panel d’attaques, et l’on sent une volonté de rendre les affrontements plus stratégiques.
Mais dans la pratique, le système révèle vite ses limites. Les animations manquent de réactivité, les esquives paraissent trop lourdes, et la caméra se perd régulièrement dans la mêlée. J’ai trouvé certaines hitboxs parfois incohérentes, transformant une parade en coup raté sans qu’on comprenne pourquoi. Certes, le jeu gagne en profondeur avec de nouvelles capacités, mais on garde le sentiment d’un potentiel mal exploité, comme si le système de combat n’avait pas eu le temps d’atteindre sa pleine maturité. Enfin, beaucoup de boss sont en réalité des sacs à PV, ce qui prolonge de trop certains combats, surtout lorsque les patterns ne comptent que peu de coups différents.

Une direction artistique de qualité !
Là où Echoes of the End, par contre, ne déçoit jamais, c’est dans sa direction artistique. Rarement un jeu, indépendant rappelons-le, aura réussi à rivaliser aussi frontalement avec des productions AAA en termes de rendu visuel. Entre lui et un certain Expedition 33, je trouve que les jeux « AA » sont en train en ce moment de donner une sévère leçon à l’industrie toute entière.
Chaque chapitre est une carte postale. Les glaciers étincelants, les volcans rougeoyants, les forêts enneigées, les ruines anciennes baignées de brume… tout respire la fascination des développeurs pour leur terre natale, l’Islande.
La bande-son, discrète mais efficace, renforce cette immersion. Elle alterne entre des thèmes épiques lors des combats et des nappes plus délicates pendant l’exploration. Les bruitages, eux, participent à la sensation d’être plongé dans un monde tangible, même si certaines zones trahissent encore quelques manques sonores. Le doublage anglais, porté par des acteurs convaincants, donne vie aux dialogues, même si l’absence d’une localisation française complète pourra en frustrer plus d’un.

Echoes of the End est un paradoxe. C’est un jeu à la fois magnifique et maladroit, intime et générique, ambitieux et limité. Il éblouit par son esthétique, par la sincérité de son récit et par l’ingéniosité de ses puzzles. Mais il peine à convaincre pleinement lorsqu’il s’agit de combat, de fluidité ou de profondeur narrative. Faut-il pour autant le ranger parmi les déceptions ? Absolument pas. On sent, derrière ses failles, la passion et le talent d’un jeune studio qui a voulu frapper fort dès sa première œuvre. Et d’une certaine manière, il a réussi : Echoes of the End n’est peut-être pas un chef-d’œuvre, mais il marque les esprits, ne serait-ce que par la beauté de ses paysages et l’humanité de ses personnages. Bravo Myrkur Games, vous êtes en très bonne voie. Alors oui, corrigez-vous, mais surtout ne lâchez rien.