Si vous êtes trentenaire, comme moi, alors vous avez sûrement connu la période dorée de Square Enix (SquareSoft à l’époque) et de ses moults RPG à succès qui ont fait les beaux jours de la Super NES et de la Playstation première du nom. Toutefois, parmi ces grandes œuvres, il en reste encore qui n’avaient jamais franchie nos barrières européennes autrement qu’en versions pirates : Chrono Cross est de celles-là. C’est donc dans un confort plus actuel que nous pouvons (re)découvrir le titre aujourd’hui.
Cette critique a été réalisée à partir d’une version Playstation 4 offerte par l’éditeur !
Un amour de poète…
Pourtant, à n’en pas douter, à l’époque,
Chrono Cross – Introduction
Nos coeurs débordaient d’amour, mais aussi de haine,
Nous avons fait du mal, tout comme on nous en a fait,
Malgré cela, nous filions tel le vent,
Tandis que nos rires retentissaient,
Sous les cieux azurés…
Ce sont ces vers qui ouvrent Chrono Cross, avec la promesse d’aventures et de voyages qui va avec. Peut-être avez-vous déjà entendu parler d’un certain Chrono Trigger ? Titre ambitieux paru initialement sur Super NES, mais bien entendu pas chez nous, ce dernier a connu un grand succès auprès des joueurs, notamment grâce à sa narration très solide à base de voyage dans le temps.
Eh bien Chrono Cross se pose comme un successeur spirituel qui va également emprunter le voyage entre les mondes pour présenter sa narration. Comme je le citai plus haut, c’est la première fois qu’il est possible de jouer « legit » à ce titre qui propose l’aventure originelle, une extension textuelle « Radical Dreamers » jamais parue chez nous et, le plus important de tous, une traduction française, chose inédite jusqu’alors (sauf dans la sphère de l’émulation pour les bidouilleurs).
C’est donc avec joie que les vieux de la vieille (ou les jeunes qui veulent se tenter à l’archéologeek) peuvent aujourd’hui poser leurs mains sur cette version remise au goût du jour. Pourtant attention, ce dépoussiérage, même s’il est bienvenu, est quelque peu timide et ne plaira pas forcément à tous…
Nous suivons donc notre héros, Serge, qui se contente d’une vie paisible dans la village côtier d’Arni. Son voyage va débuter le jour où, se rendant sur la plage avec son amie d’enfance, il va perdre connaissance pour se réveiller quelques temps plus tard.
C’est alors que Serge se découvre… Mort ! Il y a 10 ans, pour être plus précis. Comment cela est-ce possible ? Pour le savoir, vous vous en doutez, il va falloir embarquer dans les tréfonds scénaristique du titre. Disons-le tout de suite, le scénario est un des gros points forts du titre, et il reste toujours aussi plaisant à parcourir. D’une part de par son écriture, soignée et pertinente, mais également grâce aux personnages qui font évoluer l’intrigue.
Si vous avez connu les années 90, alors peut-être vous souvenez-vous des protagonistes impactant de cette ère SquareSoft (que cela soit les FF, Legend of Mana, les « Seiken », Chrono Trigger, et bien d’autres…). Ici, vous retrouverez la même « ambiance » de scène et de personnages hauts en couleurs. J’avais presque oublié en y rejouant ce feeling « old-school » qui personnellement m’a tout de suite embarqué.
Pour les autres, je me doute que vous trouverez peut-être le titre vieux et maladroit, et je le comprends tout à fait. Ce qui implique une chose importante : ce titre n’est pas (plus ?) fait pour tout le monde. Il ne séduira de facto que les amoureux nostalgiques ou les passionnés archéogeek qui accepteront de se replonger en 1999. Mais croyez-moi, le voyage vaut le détour !
Un système de combat acclamé !
Comme tout bon J-RPG qui se respecte, vous passerez le plus clair de votre temps à soit explorer, soit vous battre. De fait, il est donc crucial de travailler son système de combat et de proposer quelque chose de solide et, si possible, de non redondant. Rassurez-vous, c’est encore un autre bon point pour le titre : ses mécaniques de jeux sont toujours aussi fonctionnelles.
Les combats se décomposent en deux mécaniques principales. La première repose sur l’endurance et l’accumulation de « points d’éléments ». Lorsque vous attaquez de manière classique (avec votre arme de base), vous pouvez choisir trois niveaux d’attaque.
Un niveau « faible », qui fera peu de dégâts mais dont le taux de réussite sera élevé. Un niveau « fort », qui fera plus de dégâts, mais aura aussi plus de risques d’échouer, et un niveau « redoutable » qui explose tout mais qui a beaucoup de risques d’échouer. C’est donc à vous de choisir votre préférence, en sachant que si une attaque porte, le pourcentage de réussite de la suivante augmente en conséquence. En somme, plus vous enchaînez de petites attaques, plus les attaques fortes suivantes auront de chance de réussir.
Attaquer de cette façon permet d’accumuler des points d’éléments. Une fois que vous en avez assez, vous pouvez lancer un… Elément (bravo !). Ceux-ci représentent la magie, en gros, et se voient répartis par couleur. Il y a donc les éléments bleus, les rouges, les jaunes, les blancs, etc. Et comme vous vous en doutez, chaque couleur possède ses caractéristique.
Le côté « élément » est donc la deuxième mécanique des combats. Beaucoup plus puissants que les attaques « normales », les éléments se regroupent sous deux formes. Soit ce sont des consommables, et vous pouvez vous en servir autant que de portions disponibles. Soit ce sont des « illimités », vous les gardez indéfiniment, mais vous ne pouvez alors vous en servir qu’une seule fois par combat. Commencez-vous à percevoir le potentiel stratégique des combats ?
Parce que ce n’est pas fini : il faut également prendre en compte les « effets de champs ». En haut de l’écran de bataille se trouve trois cercles imbriqués les uns dans les autres. Si vous utilisez (ou l’ennemi) un élément rouge, un des cercles deviendra rouge. Si, dans la foulée, vous utilisez à nouveau un autre élément rouge, le deuxième cercle se remplit. Si, enfin, un autre élément rouge est encore utilisé, alors les trois cercles sont remplis de rouge.
L’effet de champ s’applique et, dès lors, tout élément rouge utilisé verra sa puissance augmenté sérieusement et l’élément opposé (bleu) se verra affaibli. En revanche, si vous ou l’ennemi utilisez un élément bleu, alors la chaîne est rompue, mais ouvre la voie au fait d’obtenir un effet de champ bleu… Vous suivez ? Les invocations, par exemple, nécessite d’avoir un champ de leur couleur actif pour pouvoir être lancée.
Il y a donc une réelle dimension stratégique dans les mécaniques de combat de Chrono Cross. Je vous préviens toutefois, au début, le tutoriel peut être loupé par inattention, et on se retrouve alors à ne pas trop comprendre comment cela fonctionne. rassurez-vous, cela semble complexe, mais il n’en est rien. Une fois que l’on a bien compris comment le tout s’assemble, alors se battre devient un vrai régal. Et encore, je n’ai pas parlé du fait d’augmenter la puissance des éléments selon le « slot » dans lequel on l’équipe dans le menu.
Exemple rapide, si vous avez un élément « Boule de feu » de niveau 1, et que vous l’insérez dans un slot de niveau 3, alors il gagne la différence en puissance et devient alors « Boule de feu +2 ». Oui, il y a de quoi faire, je ne vous le fait pas dire !
Bon, je vous invite à modérer mes propos sur cette section, puisque le jeu datant de 1999, il peut être tentant de prendre des raccourcis un peu trop hâtivement. Commençons par, véritablement, la « direction artistique » en tant que telle. Celle-ci est, évidemment, plus que réussie. Il se dégage de Chrono Cross une ambiance très polynésienne du plus bel effet, avec tout ce que les mythes marins peuvent apporter avec eux. Les villes et villages sont soignés, les décors nous embarquent dans l’univers et la célébrissime techniques des fonds en 3D précalculés fonctionne encore et toujours.
L’OST est, elle aussi, une dinguerie cosmique. Et le travail de réinterprétation du remaster est à saluer. Je vous invite toutes et tous à vous pencher quelques instants sur les musiques de ce jeu et sur les cover que vous pourrez trouver çà et là sur le Tube, vous en serez conquis.
Maintenant, il est à pointer du doigt le côté assez fainéant du remaster. Autant, on peut pardonner facilement le fait que le titre, ancien, ait bénéficié de peu de travail pour faire un peu de l’argent facile… Soit ! Par contre, que ce dernier rame énormément dans les combats quant il y a plus de 3 ennemis à l’écran, j’avoue ne pas comprendre comment l’équipe à fait son compte, quand les combats représentent près de la moitié du jeu.
Vouloir dépoussiérer de vieux titres, c’est très bien, mais attention à ne pas céder aux sirènes de la rapidité, car il en ressort une aventure certes géniale, mais avec un pan technique qui ne rend pas honneur au jeu.
Chrono Cross The Radical Dreamers est, en effet, une aventure toujours aussi palpitante, géniale et envoûtante. La quantité impressionnantes de personnages, les multiples fins qui se dégagent de l’intrigue et une écriture solide ainsi qu’un système de combat en béton font toujours de ce jeu un chef-d’œuvre d’une grande qualité. D’autant que la traduction française est bienvenue et permet enfin de suivre les aventures de Serge dans le confort de notre langue. Toutefois, le soin apporté à l’aspect global du remaster et moins convaincant et même plus déroutant par moment. Par exemple, attendez-vous à de nombreuses chutes de framerate, notamment durant les combats, chose que je ne parviens pas à m’expliquer sur un titre datant de 1999. Bref, malgré la paresse de cette proposition, il reste toujours un régal de parcourir le titre, mais sachez bien où vous mettez les pieds. Si vous parvenez à passer outre ces petits défauts, nul doute que vous trouverez là un grand jeu qui saura vous transporter.