Narrer les événements qui se déroulent une centaine d’années avant le déjà culte Breath of the Wild : voilà une proposition forte et séduisante ! C’est donc à Hyrule Warriors : L’Ère du Fléau qu’incombe cette délicate tâche. Pourtant, Koei Tecmo et Omega Forces, les développeurs, ne sont clairement pas à leur coup d’essai, et cristallisent dans ce nouvel opus plusieurs années de savoir-faire, mis au service d’une franchise légendaire. Alors, qu’est-ce qu’il en ressort ?
Des choix convaincants, mais…
En premier lieu, il convient de préciser qu’Hyrule Warriors : L’Ère du Fléau n’est pas à catégoriser dans la lignée d’un Zelda. C’est clair et net : il s’agit ici d’un spin-off qui emprunte à la licence d’origine son univers, son lore et ses personnages. Nous ne sommes donc pas en face d’un jeu d’aventure mais bel et bien d’un mûso, qui vous propose de dézinguer des monstres à la chaîne dans un gameplay nerveux, vif et spectaculaire.
Le pari de base, tout du moins sur le papier, était de nous conter les événements de la guerre contre le Fléau Ganon survenus un siècle avant Breath of the Wild. Nous sommes donc ici dans une ambiance militaire, avec des groupes d’assaut, des escadrons de guerriers, bref… Tout un royaume sur le qui-vive. De fait, le choix de proposer un mûso, parfait pour représenter et appuyer ce type de narration militaire, fait sens.
Toutefois, je me dois de vous avertir que Nintendo a bien caché son coup et nous a presque fait de la publicité mensongère. En effet, le jeu n’est pas canonique et, surtout, ne raconte pas « vraiment » la guerre contre Ganon. Soyons clair tout de suite : le jeu, malgré quelques défauts, est incroyable. Pourtant, combien en feront l’acquisition en pensant revivre les fantastiques aventures de Link, Zelda et Impa en temps de guerre et se retrouveront… Désappointés ? Hyrule Warriors prend par les sentiments. Il le fait bien mais ne propose pas réellement ce qui nous a été teasé aux premiers abords. Je ne peux pas vraiment en dire plus sans spoiler, je vais donc m’arrêter là. Ce choix m’a clairement déçu sur le moment de sa révélation. Pourtant, cela ne m’a pas empêcher d’avoisiner la cinquantaine d’heures de jeu et de jouer bien après la fin de l’intrigue. Car s’il y a bien un point qui fait l’unanimité pour moi, c’est que les atouts du jeu vont bien au delà de la seule narration.
Un gameplay aux petits oignons !
Mûso oblige, j’attendais le titre au tournant sur cette thématique. En effet, même si je n’ai que peu d’expérience avec la saga des Dynaty Warriors, je suis le studio depuis le tout premier Hyrule Warriors, sur feu la Wii U. Depuis, j’ai pu constater l’évolution de leur savoir-faire au travers d’autres épisodes (l’épisode 3DS, Dragon Quest Heroes I & II, Fire Emblem Warriors) et le constat est là : L’Ère du Fléau est la quintessence du savoir-faire des studios.
Il y a dans cet épisode un mariage savant entre l’univers de Breath of the Wild et la technicité des développeurs qui donnent au jeu une aura singulière et addictive. Nous avons envie en permanence de retourner en Hyrule pour faire toujours plus de nouvelles missions. Trouver de meilleures armes, de meilleurs trésors et, pourquoi pas, de nouveaux personnages ! Tout est fait dans le respect du matériel d’origine.
Ce n’est pas « The Legend of Zelda » qui voyage jusque dans « Hyrule Warriors », mais bien l’inverse !
Les différents héros de l’épopée sont un parfait exemple de cette maîtrise technique. Si, dans d’anciens épisodes, on pouvait pester sur une redondance des personnages et de leurs gameplays : ce n’est absolument pas le cas ici ! Chaque héros possède ses propres combos, ses propres spécificités. Et je ne parle pas simplement d’animations différentes, mais bel et bien de touches différentes, de tempos différents et de pouvoirs différents. C’est réellement un bonheur d’apprendre à maîtriser son personnage favori et constater qu’on ne maîtrise que lui. D’ailleurs, lorsque d’autres missions nous imposent un autre combattant, on redevient vite débutant. Cette sensation de progresser sans cesse n’a jamais été aussi grisante que dans cet opus.
Ce respect du matériel d’origine passe aussi par l'(utilisation intelligente de la tablette Sheikah, qui sert ici d’outil de parade contre les capitaines. Eh oui, car contrairement aux autres épisodes estampillés « Warriors », une (légère) mécanique de duel est introduite ici (pour ne pas dire peaufinée). Ainsi, taper comme un bourrin ne sera plus forcément la meilleure des stratégies, puisque le jeu vous encouragera à apprendre le pattern des monstres pour les parer au meilleur moment. Ceci dans le but de vous offrir de grosses fenêtres d’opportunités. Plutôt malin, cette mécanique fait mouche et se veut la bienvenue dans un genre qui commence à peiner à proposer de la nouveauté.
Une technique imparfaite !
Je retiens en tout et pour tout deux points noirs du titre. Le premier étant beaucoup plus gênant que le second à mes yeux. Le jeu, notamment lorsque beaucoup d’ennemis sont affichés à l’écran (donc à chaque coin de rues dans un mûso), voit son framerate baisser dangereusement. Attention, je ne parle pas ici de légères saccades qui surviennent, mais bien de ralentissement du jeu, sur plusieurs secondes, en plein combo, au point que j’ai cru une ou deux fois que ma Switch allait me sortir du jeu et me sortir une erreur système.
L’ambiance visuelle et surtout sonore fait toujours son petit effet ! La tablette Sheikah est parfaitement intégrée aux mécaniques de combat !
Cela n’arrive pas tout le temps, je vous rassure. Le titre semble pensé pour n’afficher qu’un nombre précis d’ennemis, ce qui permet de « tricher » un peu et de ne pas surcharger l’écran en permanence. Une de ces méthode de triche consiste à « flouter » le jeu (surtout en portable) pour essayer de recalibrer le framerate correctement. Toutefois, je dois bien avouer ne pas vraiment comprendre comment fonctionne cette mécanique. J’ai fais un test en prenant le premier Hyrule Warriors (la Definitive Edition sur Switch). J’ai constaté avec curiosité que celui-ci affiche un nombre bien plus impressionnant d’ennemis en même temps. La direction artistique de Breath of the Wild est-elle trop lourde pour se permettre une vivacité d’affichage aussi intense ? Peut-être. En tout cas, cela na gâche pas l’expérience de jeu, mais peut vite agacer lorsque cela se produit trop souvent.
Le deuxième point est la diversité du bestiaire. Là, il faut bien admettre que L’Ère du Fléau n’est pas vraiment en tort. En effet, Breath of the Wild en son temps proposait déjà un bestiaire assez faible. Il n’est donc pas surprenant de voir que les développeurs ont essayés « d’augmenter » artificiellement la variété d’adversaires en proposant les classiques itérations « de feu, de glace, de foudre, etc. ». Technique classique ! Pour moi, le souci n’est pas que, sur le long terme, on parle de déjà-vu, mais bien de « trop-vu ». Et puis, quitte à prendre des libertés avec le lore de Breath of the Wild, autant en profiter pour proposer de vrais nouveaux monstres.
Hyrule Warriors : L’Ère du Fléau est un titre magistral. Certes, on lui reprochera une technique étrangement instable par moment et un choix particulier de narration, mais que l’on peut lui pardonner. Incontestablement un excellent titre pour les amoureux de Breath of the Wild et de son univers envoûtant. Ses gameplay efficaces et variés, sa direction artistique sublime et une des meilleures bande-son de la saga en font un opus de qualité. Vous pouvez clairement y aller si vous chercher un vent de fraîcheur dans l’univers de Zelda, et il y a fort à parier que vous y restiez encore de longues heures après. Une chose est sûre, Koei Tecmo et Omega Forces tiennent là une recette qu’il ne faudra pas lâcher !