Avec le premier volet Judgment, le studio Ryu Ga Gotoku créait la surprise en proposant un spin-off se déroulant dans le même univers que leur licence phare Yakuza. Bien écrite, avec un héros charismatique et un amour du cinéma et de ses codes toujours aussi bien retranscrits : le jeu fut un succès immédiat. Il n’est donc pas étonnant de voir une suite pointer le bout de son nez en la personne de Lost Judgment. Yagami reprend du service, et c’est plutôt pour le meilleur !
Cette critique a été réalisée à partir d’une version Playstation 4 offerte par l’éditeur !
Des thématiques fortes !
Le jeu, tout comme le premier volet, nous place dans la peau de Takayuki Yagami. Ancien avocat, ce baroudeur s’est reconverti en détective privé. C’est durant le premier volet que ce dernier (en compagnie de son acolyte de toujours Kaito, ex-yakuza) s’est taillé une solide réputation. Désormais, on le connaît, et on fait régulièrement appel à lui pour des affaires de toutes sortes. Adultère, abus de confiance et autre tâches nécessitant de donner des bourre-pif, par exemple.
Lorsque deux anciens amis contactent notre héros, ils lui demandent de venir les aider dans un autre quartier, Ijincho (la zone de Yakuza – Like A Dragon) pour une affaire qui nécessite plusieurs mains. En effet, un lycée du coin fait parler de lui pour des affaires de harcèlements scolaire. Le groupe, prenant la chose (heureusement) très au sérieux, commence à investiguer sur l’école afin de savoir pourquoi des élèves se font harceler et pour quels motifs.
Se faisant, Yagami (et les autres) ne se doute pas qu’il va, lentement mais sûrement, glisser vers une enquête beaucoup plus grave et plus dangereuse. Au final, c’est voyage dans le passé, meurtre, harcèlement (sexuel, moral, physique…), abus de confiance et abus de pouvoir qui seront, entre autre, les sujets douloureux de cet opus.
C’est d’ailleurs un point à donner au crédit du titre. Les thématiques soulevées sont fortes et ne tombent pas dans le pathos simple. Alors je ne sais pas comment cela se passe au Japon, mais un pour un Français comme moi, je dois bien avouer que ce n’est pas commun de voir ce type de sujet dans un jeu vidéo de cet acabit. L’initiative est donc à saluer et permet de mettre en lumière des problématiques lourdes qui sont, en France, encore des sujets délicats à traiter.
Pour le reste, la qualité de l’écriture est toujours au rendez-vous et c’est avec plaisir que l’on déambule entre les quartiers d’Ijincho et de Kamurocho. J’ai beaucoup eu cette impression de me retrouver « à la maison », mais je pense que c’est aussi dû au fait que les cartes de jeu ne changent que très peu d’épisodes en épisodes (j’inclus également Yakuza 7). Si donc vous n’avez pas peur des jeux bavards, vous trouverez en Lost Judgment un récit maîtrisé, comme le studio sait le faire, et qui sait très bien jouer des codes du cinéma pour mélanger cinéma et situations romanesques. Mais pour être tout à fait franc, je ne m’inquiétais pas vraiment à ce niveau-là.
Casser des gueules… Mais avec panache !
Côté mécaniques, vous ne serez absolument pas dépaysés si vous connaissez déjà le premier épisode. Le jeu s’axe autour d’une progression qui oscille entre exploration des quartiers, avancées du scénario, enquêtes et combats de rues. Certes, écrit comme cela, ça peut paraître simpliste. En réalité, il n’en est rien, puisque le jeu propose assez de contenu et a la politesse de se dévoiler petit à petit, ce qui permet de renouveler fréquemment les bases de jeu, même au bout d’une dizaine d’heures. De fait, on a souvent cette impression de découvrir de nouvelles choses.
Mais si vous êtes là, c’est que vous savez que dans Lost Judgment, ça casse des gueules, et ça en casse même beaucoup. Avec les poings, les pieds, les genoux, les chaises, les vélos, les cônes de chantier… En vérité, tout ce qui peut casser une gueule la casse et ça… C’est cool ! Le titre conserve donc un aspect des combats « arcade » qui se base sur la bonne réalisation de combos. Avec seulement deux touches (cela se complexifie avec le temps), vous pouvez enchaîner de jolis pirouettes et vous servir des objets du décor pour étoffer encore plus votre palette de mouvements.
Ce n’est pas tout, puisque les scènes de combats débutent souvent avec des cinématiques façon kung-fu, et qui proposent des chorégraphies dignes d’un film de Bruce Lee. Autant vous dire que cela met dans l’ambiance DI-RECT. C’est aussi avec joie que l’on accueille ici un nouveau style : le Serpent. En complément de la Grue et du Tigre, il vous permet de parer les coups et d’effrayer les ennemis. Pour honnête, on sent que c’est surtout pour trouver un style de combat plus « soft » qui rende « tolérable » le fait de casser la gueule à des lycéens. Bon… Ca fonctionne bien !
Si le Serpent vient compléter la grille des styles de combat, les enquêtes viennent compléter ces mêmes phases de combats. Yagami est enquêteur, ne l’oublions pas, et il dévoile ici toute sa panoplie pour dénicher, fouiner, s’infiltrer et enregistrer tout ce qui peut lui être utile. Pour vous aider, vous aurez tout d’abord votre sens de l’observation. Classique, mais toujours redoutable. Ensuite, d’autres outils viendront pour prêter main-forte. Le drone et l’appareil photo, notamment, mais aussi d’autres types d’outils liés aux réseaux sociaux par exemple. Vous pourrez également vous déguiser lors de certaines missions pour ne pas éveiller les soupçons.
Tout cet arsenal vous permet de faire avancer l’histoire, mais aussi de trouver des affaires secondaires ou d’autres bonus qui vous feront gagner objets précieux et argent. Il est appréciable de voir les efforts des développeurs pour renforcer cette sensation de découvrir les twists de l’enquête par nous-même. Ce n’est certes pas parfait, et l’on voit souvent les grosses ficelles du scénario, mais le fait est que le jeu englobe très bien le tout et parvient à éviter les éléments redondants. Surtout qu’il reste un « pan » à évoquer, totalement optionnel celui-ci :
Il s’agit des mini-jeux. Alors je dis « mini-jeux », mais il serait plus correct de parler des activités annexes. Entre la danse, le skate, les salles d’arcades (pour rejouer aux vieux jeux SEGA), les restos, Chatter, j’en passe et des meilleures, vous aurez, je vous l’assure, de quoi faire. C’est bien simple, le jeu fait TOUT pour vous détourner de l’intrigue principale et vous proposant énormément de choses à faire. Pas seulement, puisque si vous êtes accro au 100%, vous prendrez sûrement plaisir à goûter tous les plats, établir des records sur les jeux et visiter tous les lieux optionnels de la ville. Votre smartphone se fera un plaisir de noter tout cela pour vous, et cela donne le tournis.
Restons toutefois pragmatique, et affirmons que toutes les activités ne se valent pas, et que certaines tâches se veulent plutôt répétitives sur le long terme. Mais bon, au moins, tout le monde en aura pour son plaisir, perfectionniste ou non.
Il faut comprendre une chose, c’est que jouer aux jeux RGG (Ryu Ga Gotoku), c’est avant tout accepter de faire une plongée dans l’univers contemporain nippon. Si, d’emblée, vous détestez les néons, les « Irachaimase », les kanjis collés sur tous les murs, les musiques electro-pop dynamiques et lire… C’est certains que Lost Judgment ne sera pas fait pour vous. Si vous voulez juste vous battre, tournez-vous plutôt vers un Streets of Rage.
Pour les autres qui aimez cette ambiance japonaise, vous ne serez pas déçus. C’est un véritable voyage que propose le studio et qui parvient à vraiment nous embarquer dans le lore, malgré un moteur vieillissant, je le précise tout de même. Au delà de ça, les habitués du studio trouveront sûrement « lassant » de voir et revoir les mêmes quartiers encore et encore, dans des laps de temps aussi courts. Je les comprends, puisqu’ayant fait « Like a Dragon » il n’y a pas longtemps, j’avais plus l’impression de revenir dans le jeu via un gros DLC que de jouer à un vrai titre solo séparé. Gageons donc que de nouveaux horizons s’ouvrent pour les licences (Judgment et Yakuza), puisque les mécaniques de jeux semblent rôdées et que la recette fonctionne encore et toujours.
Lost Judgment est dans la digne continuité du premier volet, tout en apportant ses petites doses de nouveautés. C’est désormais confirmé : la recette fonctionne et, oui, il faudra compter sur la licence dans les années à venir. Malgré un moteur un brin vieillissant et une redite trop prononcée pour les mêmes lieux d’épisodes en épisodes, il faut bien admettre que c’est toujours un plaisir de remettre les pieds dans ce Japon contemporain. Surtout si c’est pour bastonner à tout-va avant d’aller faire un karaoké. Blague à part, l’environnement scolaire de cet opus et les thématiques lourdes et profondes qu’il soulève est une initiative à saluer, car il n’est jamais facile de mettre les pieds là où des tabous persistent encore beaucoup. Rien que pour cela, bravo à vous RGG !