Depuis quelques années, la licence iconique de Gust semble reprendre du poil de la bête. En effet, après une trilogie « Ryza » convaincante (malgré une localisation aléatoire), il est temps d’ouvrir un nouveau chapitre avec la douce Yumia. Entre souvenirs, résilience et recherche de son passé, ce nouvel opus de la franchise tente une approche douce, apaisante, teinté d’une légère mélancolie.
Cette critique a été réalisée à partir d’une version Playstation 5 offerte par l’éditeur !

— Une narration intimiste —
Yumia Liessfeldt n’est pas simplement une énième jeune alchimiste au cœur pur comme la licence nous en donne l’habitude (bien qu’elle colle pas mal au cliché). Ce qui la différencie plutôt, c’est que nous avons ici un ton singulier, presque mélancolique, puisque le titre nous présente une héroïne marquée par l’absence. Absence de repères, de souvenirs, d’un passé clairement défini. Une fois n’est pas coutume dans la saga, puisqu’ici, l’univers dépeint est celui d’un monde où l’alchimie est tabou, relevant d’une science impure et interdite. Un parti pris à contre-courant des habitudes.
Pour poursuivre sur le fait d’aller à l’encontre du courant, le jeu s’ouvre d’ailleurs à rebours. On débute clairement vers ce qui s’apparente être la fin du titre, avant de revenir longtemps en arrière et de réellement débuter l’aventure. Yumia est donc une jeune alchimiste au passé trouble, qui vient d’intégrer une équipe d’exploration venu étudier un continent mystérieux dont les différentes zones sont victimes de brouillards de mana. Vous l’aurez sans doute deviné, Yumia, de par son talent d’alchimiste est la seule capable d’ôter ce brouillard nocif de ces terres.


L’un des points forts de Atelier Yumia est de faire le pari d’un récit introspectif. Contrairement à d’autres jeux de la saga où l’intrigue se construit autour d’un village à développer, d’une guilde à intégrer ou d’un royaume à sauver, ici, tout est centré sur l’esprit de Yumia et sur les souvenirs (notamment de sa mère) qu’elle tente de retrouver. Le jeu développe une narration à plusieurs couches : la surface est celle d’un voyage initiatique classique, mais en creusant, on peut découvrir des thématiques bien plus profondes telles que la perte de soi, le deuil, la réconciliation avec le passé, et la reconstruction personnelle.
Les personnages secondaires sont bien présentés et, surtout, plutôt bien écrits. Sans aller jusqu’à s’attendre à de la plume de haute volée, leurs intentions ne sont pas « surjoués » comme cela a pu être souvent le cas dans la trilogie Ryza et leurs comportement s’adaptent bien avec le ton de l’aventure et la poursuite de leurs objectifs. Même si, pour tout vous dire, j’ai plus pris mon pied en explorant l’univers et le monde ouvert qu’en m’attardant sur l’histoire.

— Un système inutilement complexe —
Cœur du gameplay de tout Atelier qui se respecte, l’alchimie dans Yumia a été revue pour proposer une expérience plus fluide, sans pour autant sacrifier la richesse des combinaisons. Le système repose toujours sur la collecte d’ingrédients disséminés dans les différents biomes du jeu, mais leur intégration dans l’atelier se fait désormais via une interface semi-automatisée, qui suggère des recettes selon vos besoins.
Les traditionnelles grilles de synthèse ont été simplifiées, mais intègrent de nouvelles mécaniques intéressantes : chaque ingrédient possède désormais une « résonance ». Cette résonance influence le résultat final : une potion conçue avec des matériaux qui résonnent suffisamment avec les noyaux qui forgent le cœur de la synthèse pour décupler les effets de vos objets ou outils.
Sur l’aspect « Alchimie », je dois dire être un poil troublé. D’un côte, je me mets dans la peau de celui ou celle qui va adorer sur sur-complexité de pouvoir choisir chaque élément un à un, de les faire entrer en résonance, de modifier chaque petit aspect de chaque petit ingrédient… De l’autre, je trouve ça inutilement compliqué, au point que j’ai quasi-systématiquement utilisé le mode automatique pour réaliser toutes mes synthèses. Je trouve ça dommage, dans un jeu centré sur l’alchimie, que l’alchimie soit aussi usante et lassante à utiliser. Il y aurait matière ici à modifier ce système davantage pour le rendre plus accessible, tout en conservant son caractère ultra-précis.
— Un Open-World à la Ubisoft —
L’un des changements majeurs introduits dans Atelier Yumia est la structure semi-ouverte du monde. Plutôt que de proposer une carte divisée en zones cloisonnées accessibles depuis un menu, le jeu nous donne désormais accès à plusieurs régions interconnectées, chacune ayant sa propre atmosphère, sa faune, ses ressources, et ses secrets.
Chaque domaine possède ses propres règles environnementales — certains nécessitent des objets spécifiques pour être explorés en profondeur, il faudra donc explorer chaque détail et réaliser toutes les quêtes secondaires pour gagner des recettes et pouvoir synthétiser de nouveaux outils.
Cette approche renforce le sentiment d’exploration et pousse à la curiosité. Les zones ne sont jamais excessivement vastes (on reste loin d’un monde ouvert à la Elden Ring ou Xenoblade), mais elles regorgent de détails et de secrets.


Toutefois, cela n’empêche pas le jeu de tomber dans les travers inhérent à ce type de monde ouvert, c’est que les activités sont toujours les mêmes. Au final, le jeu vous propose six ou sept activités différentes qu’il recycle plus d’une centaine de fois. Si au début, l’entrain est là, il se délite petit-à-petit au fil des heures de jeu.
Côté combats, Gust a fait un pari risqué : sortir du système au tour par tour strict pour intégrer une approche hybride mêlant actions en temps réel et séquences tactiques. Désormais, chaque combat repose sur des « cooldown » (une compétence doit se recharger avec le temps avant de pouvoir être utilisé à nouveau) qui sont propres à chaque personnage et qui déterminent à quel moment il peut intervenir.
Yumia et ses compagnons peuvent attaquer, esquiver, parer ou déclencher des compétences spéciales en fonction de leur position et des ressources accumulées. Cette nouvelle dynamique rend les affrontements plus nerveux, plus vivants — et parfois un peu chaotiques, surtout lorsqu’on affronte plusieurs ennemis mobiles.
Ce système est de prime abord plutôt intéressant, mais se voit brider par un équilibrage de jeu trop complaisant. Dit autrement : le jeu est bien trop facile. Du coup, même en mode difficile, il n’est pas vraiment utile de faire usage de grande stratégie : bourriner les touches suffira souvent à vous sortir de n’importe quel combat.

Finalement, Atelier Yumia est une plutôt bonne surprise. La voie empruntée par le studio s’améliore d’épisodes en épisode, même s’il reste encore du chemin à faire. En premier lieu, il conviendrait de refondre le système de synthèse, trop inutilement complexe et qui incite à user du mode automatique plutôt qu’à vraiment se prendre pour une alchimiste (ça fait pas très RP, quoi). Ensuite, le système de combat manque également d’un équilibrage cohérent. En effet, il est plutôt inutile de proposer autant de mécaniques (esquives, parades, outils, « Action d’ami élémentaires », etc.) si on peut rouler sur le jeu dès le début avec moins que cela. Reste un univers plaisant à parcourir et à explorer, avec des personnages toujours aussi attachants et une Yumia qui respire la douceur. Certes timide sur plusieurs aspects, Atelier Yumia : L’Alchimiste des Souvenirs et la Terre Rêvée est un bon JRPG « coin du feu », « cozy » qui se joue lorsqu’il pleut dehors et qu’un chocolat chaud vous attend à côté de votre plaid.